Le chef Stéphane Modat, tout jeune, apprend l’amour de la cuisine auprès de ses grands-parents à Perpignan. En effet, raconte-t-il, ces derniers cuisinaient beaucoup et c’est à leur côté qu’il a développé son attrait pour les chaudrons, les saveurs et les senteurs. D’aussi loin qu’il puisse se souvenir, c’est ce qu’il a eu envie de faire, sa gourmandise et sa passion pour les produits contribuant grandement à suivre cette vocation.
 
Stéphane Modat a beaucoup voyagé, et c’est par les voyages qu’il a parfait ses connaissances en général et celles culinaires en particulier. « Partout où l’on va, où nos envies nous mènent, pour prendre contact avec les gens, avec la société dans laquelle on est, la nourriture est une porte d’entrée extraordinaire. On doit toujours manger. Et manger, dans d’autres pays, nous permet de découvrir la culture, l’environnement, l’histoire, la gastronomie, les mœurs, les hommes et les femmes du pays. Au Japon, on apprend à manger des sushis, alors qu’en Chine, c’est le canard laqué, ou en Corée des légumes fermentés! Pour moi, manger constitue un des meilleurs contacts que l’on peut avoir avec une civilisation.
 
Pour l’histoire, à son arrivée au Québec, il y a plus de 15 ans, le jeune chef travaille aux côtés de Yvan Lebrun, au Restaurant Initiale. Puis il ouvre son propre restaurant, Utopie, où il laisse cours à sa créativité et son imagination dans les plats qu’il propose à son menu.
 
En parallèle il collabore, avec François Chartier, à la réalisation des recettes du livre Papilles et molécules, et participe à plusieurs émissions de télévision du même nom. 
 
Le directeur général du Château Frontenac lui propose, après une rencontre riche en partage d’idées, les rênes du restaurant phare de son établissement, défi qu’accepte le principal intéressé avec plaisir, humilité et grande fierté. « Ce que j’aime le plus de ma job, c’est le fait de faire plaisir. J’exprime ma philosophie, ma façon d’être au travers de ma cuisine. Pour moi, cuisiner n’est pas statique. Les plats que je prépare me ressemblent; ils sont vivants, créatifs, ils bougent. C’est mon modus operandi. »
 
Travailler au Château est pour Stéphane Modat la concrétisation d’un rêve : « Je m’exprime dans ce que je fais, j’amène mes projets à terme, je suis bien entouré. J’ai près de moi le meilleur personnel pour réussir et accès à des produits du terroir de grande qualité. Tout cela cadre avec la restauration au château. Oui, l’écrin - le château - est magnifique, mais il ne prend pas le dessus sur le concept, sur le travail - la perle - sur la fierté de faire ce que je fais. Je veux faire la belle part aux gens qui travaillent pour et avec nous. Et comme je le dis parfois, faites vos projets en silence et la réussite se chargera du bruit… »
 
L’entrevue bifurque vers Brave Jack. Je lui demande de m’expliquer le concept, la philosophie qui sous-tend ce regroupement. « C’est simple. Brave Jack c’est l’amitié, le clan, le plaisir de la chasse et la pêche, les copains d’abord, les rencontres, les partages. Tout simplement. On ne vit pas seul. On vit en groupe, on a besoin des autres pour vivre, pour discuter, pour avancer, pour philosopher.  Les autres nous nourrissent, et on leur rend la pareille. Les relations d’affaires que je crée autour de moi sont solidement ancrées, à leur base, sur une relation d’amitié et de confiance. Je ne travaille pas avec des fournisseurs, je travaille avec des partenaires. Au fil de nos soirées, nous nous sommes mis à discuter de gastronomie, mais plus particulièrement de viande de bois (du gibier). Dans tous les pays, on sert de la viande de bois, partout au monde, sauf au Canada, au Québec. La seule province canadienne qui le permet est celle de Terre-Neuve. Le terroir, c’est les produits de la terre. La terre c’est aussi le sol sur lequel les caribous, les lièvres, les perdrix, les oies, les outardes, les chevreuils, les orignaux marchent, mangent, dorment, vivent. C’est fou! On mange du bœuf de l’Argentine mais pas du caribou du grand nord québécois! Pourquoi? Par crainte de surchasse? Enfin. J’espère un jour que cela changera. Nous pourrions, par exemple, donner aux pourvoiries des formations visant la récupération de la viande chassée par des visiteurs non-résidents : un chasseur américain ne peut pas repartir avec son chevreuil. Alors cette viande pourrait être achetée par des restaurants qui veulent en mettre à leur menu. On éviterait les pertes et le gaspillage de ces fabuleuses denrées bien de chez nous.
 
Brave Jack fait un peu cela : « Ensemble, on chasse, on fait boucherie, on cuisine et consomme ce que l’on a chassé, on ne prend que ce qui est pour consommation directe… La culture gastronomique québécoise est jeune, elle est provinciale, au contraire de celle, par exemple, de la France où chaque région a ses plats bien à elle. Il est vrai que certaines régions ont leurs particularités : les bleuets et le Lac, les pommes et la Montérégie, les fraises et l’île d’Orléans, les canneberges et le Centre-du-Québec… Mais la cuisine québécoise n’est pas, comme celle de la France, cristallisée dans le temps. Un jour une gastronomie viendra avec tout ce que cela comporte. Je crois que sous peu, le Québec sera reconnu à travers le monde pour sa cuisine, pas juste pour le bonhomme carnaval! » Rires…
 
Pour terminer cette entrevue, les deux questions usuelles : s’il était un fruit, framboise il serait, car elles poussent partout, en ville comme dans des champs ou en plein bois. Côté légumes, le champignon matsutake est son choix.  Parce qu’il en raffole, c’est rare et cela demande du travail pour en trouver.
 
Dans ses cartons, un livre de recettes de viande de bois, de cuisine interdite. À son image, selon ses convictions. Vraiment un bon jack, comme on dit par chez nous. 

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