Un projet de fin de carrière ? pourquoi pas. Une terre était à vendre non loin de sa maison en Mauricie et il a décidé tout bonnement de l'acheter, afin de mettre son plan en branle. Si la première production fût de 500 plants, elle est maintenant rendue, 8 ans plus tard, à 200 000 plants sur 2 hectares avec 4 variétés en production : la Chesnok Red, la Chet's Italian, la Georgian Fire et la Music.  
 
La production de l'ail est particulière et coûte assez cher : les semences représentent une grande partie du coût de production puisque c'est avec les bulbes d'ail de l'année courante que le producteur assure sa production de l'année subséquente. 
 
Pratiquement, les bulbes sont divisés et ce sont les gousses (ou cayeux) qui sont plantés en terre, un peu comme on le ferait avec une tulipe. Le producteur doit donc garder environ 20 à 25 % de sa production comme semence s'il veut obtenir les mêmes quantités d'année en année. Dépendant de la variété d'ail, cela peut représenter une bonne partie de la production car certaines gousses sont plus grosses et il y en a peu par bulbe, il faut donc garder plus de bulbes en semence. La variété Music est un bon exemple. 
 
La majeure partie des ventes de la Ferme Ail du rang St-Olivier se fait localement, de bouche à oreille, et majoritairement dans les épiceries de la Mauricie. Quelques chefs de la région utilisent leurs produits dont le restaurant Le Zélé à Sainte-Flore et le restaurant Aux Goglus à Saint-Jean-des-Piles. Achat local, quand tu nous tiens… 
 
Une bonne partie des ventes se fait également à des producteurs qui, tout comme monsieur St-Aubin, désirent se lancer dans la production de l'ail.  Des centaines de kilos partent ainsi du rang St-Olivier vers d'autres terres afin de débuter de nouvelles productions d'ail du Québec. "C’est que je valorise des variétés plus généreuses en semences que la classique Music que je crois que j’ai une bonne réponse côté vente à d’autres producteurs", dit-il.
 
Sur la qualité du produit, Monsieur St-Aubin est catégorique : "Aucune comparaison ne peut se faire entre l'ail de Chine et celui du Québec. L'ail de Chine est réfrigéré, irradié afin qu'il ne germe pas, il se perd rapidement et n'a pratiquement pas de goût alors que l'ail local de conserve de 6 à 10 mois, il est goûteux, savoureux, il est vraiment meilleur quoi !" Convaincu et convainquant. 
 
Sa variété d'ail préférée est la Chesnok Red, un ail plutôt puissant lorsque dégusté cru, comme la variété Music, mais excellent confit au four car il développe alors un léger goût de noisettes, tandis que la variété Music aura plutôt un gout d'amidon. Sauté, confit ou cru, c'est sa variété préférée. Au champ aussi puisqu’elle génère de 7 à 10 caïeux au lieu des 4 à 5 de la Music.
 
Le producteur me parle aussi de l'ail Chet's Italian, qui fait partie du groupe Artichoke,  une variété d'ail à col souple : habituellement ce type d'ail est moins bien adapté à nos climats mais ce modèle artichaut - appelé ainsi car il développe plusieurs rangées de gousses un peu comme le fait l'artichaut avec ses feuilles - ne fait pas de fleur, ce qui constitue, dans certains cas, une force.  Les explications me sont données par le producteur : les fleurs doivent être enlevées du plant sinon le bulbe met beaucoup d'énergie à faire pousser la fleur, ce qui diminue d'autant celle qu'il met à faire grossir le bulbe… On peut imaginer que récolter la fleur d'ail demande temps et main-d'œuvre, et que tous les producteurs n'ont pas nécessairement de débouchés pour ce sous-produit. 
 
Parlant de fleur d'ail, la cuisiner ne fait pas encore partie des mœurs des québécois. Dommage me dit le producteur mauricien. " Il y a peu de produits frais à cette période de l'année, la fleur d'ail pourrait être intégrée à beaucoup plus de recettes : omelettes, beurres, sauces, sautée, salades, les possibilités sont pourtant nombreuses ! " 
 
Le regroupement des producteurs d'ail vient de voir le jour et selon notre producteur vedette, c'est une bonne chose car la traçabilité devrait être mieux faite et encadrer un peu plus la démarche de production sera bénéfique afin de ne pas ruiner la réputation de l'ail d'ici. " D'un côté les producteurs ne doivent pas semer et sécher n'importe comment et de l'autre les marchands doivent être attentifs à bien s'assurer de la provenance réelle de l'ail qu'ils vendent. Est-elle toujours québécoise ? L’ailliculture est une culture exigeante en temps ; elle ne nécessite pas une grande surface pour devenir un revenu d’appoint à petite échelle.  Mais n’oubliez pas que l’on doit appliquer des rotations minimales de trois ans et attention aux semences contaminées. Offrons aux québécois un ail de qualité, gouteux, savoureux et qui se conserve bien, ce qui justifie le prix un peu plus élevé que l'ail importé…" 
 
Résumons : 500 plants qui deviennent 200 000 plants au bout de 8 ans, demandant 8 mois de travail sur 12, le tout couronné d'une récolte qui se fait à la main... faut dire qu’on est une douzaine au champ me rappelle le producteur. Voilà une préretraite fort active pour ce producteur de la belle région de Mauricie !